« Pendant longtemps j’avais peur des abeilles. Je craignais surtout leurs piqûres. C’est d’ailleurs pourquoi je ne me suis jamais imaginée apicultrice » a avoué, toute souriante, Huguette Charles, âgée de 50 ans et vivant sur la frontière haïtiano-dominicaine depuis sa naissance.
Néanmoins, cette fière ouanaminthaise, reconnait que les abeilles participent à la conservation de la biodiversité et la protection de l’environnement. Fort de son expérience avec ces êtres laborieux, elle voit chez les abeilles, d’excellents modèles de communauté qui devraient inspirer les humains.
« Je suis devenue apicultrice en 2010. C’est le sens de l’harmonie, de la discipline et de la hiérarchie existant au sein des colonies qui m’ont fasciné. Reines, nettoyeuses, nourricières, gardiennes, butineuses, … les abeilles sont leaders en termes d’organisation. Si nous étions aussi bien organisés qu’elles, la vie sur Terre serait meilleure et plus prospère » s’est-elle persuadée.
À Ouanaminthe comme partout en Haïti, l’apiculture semble réservée aux hommes. En 2010, dans la section communale Haut Marie Bahoux, plus particulièrement dans la localité dénommée Hilaire, Huguette a su vaincre les tabous et s’est alliée avec 19 autres femmes de sa localité dans une production de miel de bonne qualité.
En 2003, elle a rejoint Tèt Kole Fanm Dilè (TKFD) (en français Femme unies d’Hilaire), une organisation communautaire composée de 87 femmes. L’organisation s’occupe de la transformation de fruits et de produits agricoles et 20 de ses femmes membres sont spécialisées dans la production de miel et de produits mellifères.
Avec seulement 25 ruches qu’elle a hâte de voir décupler, sa ferme fournit un miel qui ne déçoit point, tant par la qualité que par le prix, sa clientèle du Grand Nord, de Port-au-Prince et des États-Unis d’Amérique. Au prix de 1.500 gourdes ou 23 dollars américains, même les petites bourses peuvent s’offrir chez Huguette un gallon de sirop miel.
Grâce au Programme de Développement des Fournisseurs (PDF), mis en œuvre en Haïti par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en collaboration avec la Chambre de Commerce et de l’Industrie d’Haïti (CCIH), l’organisation TKFD a bénéficié d’un accompagnement technique porté sur l’administration, la gestion des opérations, le marketing, la gestion financière, le contrôle de qualité, le suivi et évaluation, la gestion des équipements, etc.
L’objectif du PDF est d’encadrer les Petites et Moyennes Entreprises (PME) inscrites dans une chaîne de valeur en renforçant leur compétitivité. Il facilite le renforcement de l’approvisionnement local, le développement des chaînes de production et l’amélioration de la compétitivité des réseaux de fournisseurs.
« Les consultants de PDF nous ont enseigné les standards internationaux. Nous sommes devenues plus soucieuses du respect des normes de qualité, plus exigeantes concernant les délais de livraison. Mon entreprise a particulièrement un bien meilleur plan d’action » s’est réjouie Huguette.
Grâce à ce projet, elle s’est montrée très heureuse des progrès de son entreprise avec une capacité de production et de vente augmentée. Avec le soutien de son mari, de ses enfants et des membres de l’association, Huguette s’est montrée confiante et optimiste par rapport à la croissance de TKFD durant les 5 ans à venir.
TKFD a bénéficié également d’un financement du Small Grant Program (SGP) autour de 20 mille dollars américains, dans le cadre du projet de renforcement de la chaîne de valeur du miel en cours d’implémentation dans le Nord-Est d’Haïti.
Cette collaboration, qui s’étale sur 18 mois entre le SGP et le PDF, vise d’une part le renforcement de la production agricole, la protection de l’environnement, la restauration de la biodiversité et la promotion de l’apiculture comme filière de développement durable. D’autre part, elle tend à l’amélioration des capacités entrepreneuriales de l’association TKFD.